
Il est question de savoir comment une partie victime, du manquement de l’autre partie à ses obligations contractuelles dans un contrat de bail pourrait faire recours à la justice au Bénin.
A l’instar des dispositions de l’article 1er de la loi n°2018-12 du 02 juillet 2018, « le bail est un contrat de louage par lequel l’une des parties appelée bailleur s’engage, moyennant un prix que l’autre partie appelée preneur s’oblige à payer, à procurer à celle-ci, pendant un certain temps, la jouissance d’une chose mobilière ou immobilière. »
Le bail peut être à usage d’habitation : Est réputé bail à usage d’habitation le bail qui concerne la location d’un immeuble destiné à usage d’habitation domestique (Article 1er tiret 2 de la loi n°2018-12 du 02 Juillet 2018), ou à usage professionnel : quant au bail à usage professionnel, c’est le bail qui concerne la location d’immeuble dans le but d’y exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle. (Article 103 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général).
Souvent, il arrive de constater que l’une des parties (le bailleur ou le preneur) à ces types de contrat manque à ses obligations au préjudice de l’autre partie.
Dans ces cas, comment faire recours à la justice pour avoir gain de cause ?
La réponse à cette interrogation se fera sous deux fenêtres : Possibilités pour recourir à la justice en cas du non-respect des obligations contractuelles dans un contrat de bail à usage d’habitation (I) et Possibilités pour recourir à la justice en cas du non-respect des obligations contractuelles dans un contrat de bail à usage professionnel (II).
Possibilités pour recourir à la justice en cas du non-respect des obligations contractuelles dans un contrat de bail à usage d’habitation domestique : (loi n°2018-12 du 02 Juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique en République du Bénin)
Le cas du bailleur (propriétaire) qui manque à ses obligations
Le bailleur ou le propriétaire, c’est la personne qui donne à bail le bien immeuble dont elle est propriétaire.
Quelles sont donc les obligations d’un bailleur (propriétaire) dans un contrat de bail à usage d’habitation ?
Entre autres le bailleur doit délivrer un logement en bon état d’habitabilité ;
Il doit fait procéder à ses frais, dans les locaux donnés à bail toutes les grosses réparations.
Les grosses réparations sont des interventions importantes portant notamment sur des murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de clôture, des fosses septiques, des puisards …
Pour le premier point, le problème ne se pose pas car le locataire aura le temps de faire ses constats pendant les moments de visite des locaux et va donc exiger l’arrangement avant même de signer le contrat et d’intégrer les locaux.
Pour le second point qui est le point le plus important, le plus important car ces problèmes sont très fréquents dans nos sociétés.
Lorsque vous êtes locataire dans une maison où vous constater que les murs se fissurent ou le plafond coule, vous avez le droit d’alerter le propriétaire pour réparation.
Si les réparations urgentes sont de telle nature qu’elles rendent impossible la jouissance du bail, le locataire peut en demander la suspension pendant la durée des travaux à la juridiction compétente statuant en référé, en cas d’échec de toute tentative de conciliation dans un délai de huit (08) jours. Il peut également en demander la résiliation judiciaire à la juridiction compétente.
Si votre bailleur (Propriétaire) refuse de procéder à ces grosses réparations qui lui incombent, vous locataire, la loi vous autorise à ce moment précis, à faire recours à la justice en vous faisant autoriser par le Président de la juridiction compétence (le Président du tribunal de la zone où se trouve la maison), statuant en référé, à faire ces réparations conformément aux règles de l’art et pour le compte du bailleur (Propriétaire). Dans ce cas, le juge auquel vous avez fait recours va fixer le montant de ces réparations et les modalités de leur remboursement par le bailleur. (Article 14 à 16 de la loi n°2018-12 du 02 juillet 2018).
Qu’en est-il du cas des preneurs (Locataires) ?
Le cas d’un preneur (Locataire) qui manque à ses obligations
Le locataire ou le preneur, c’est la personne qui reçoit la jouissance d’un immeuble en vertu d’un contrat de bail.
Quelles sont les obligations d’un preneur dans un contrat de bail à usage d’habitation ?
Un locataire a principalement pour obligation d’exploiter les locaux loués en bon père de famille, de payer régulièrement les loyers selon les termes convenus dans le contrat de bail et de faire des réparations d’entretien pour éviter de répondre des dégradations ou des pertes dues à un défaut d’entretien au cours du bail. (Articles 18 et 19 de la loi n°2018-12 du 02 juillet 2018).
Au cas où le bailleur va constater que son locataire exploite de façon irresponsable les locaux loués, ou qu’il manque à l’ensemble de ses obligations notamment le paiement régulier des loyers, la loi l’autorise à faire recours à la justice pour exiger l’expulsion de ce locataire et la résiliation du contrat de bail.
L’article 75 de la loi n°2018-12 du 02 juillet 2018 dispose : « Si le bail comporte une clause de résiliation de plein droit, l’inexécution ou la mauvaise exécution de l’une au moins des obligations par le locataire entraîne la résiliation pure et simple du bail. Ce manquement constaté par un huissier de justice ouvre la voie à la résiliation du bail et par conséquent à l’expulsion qui est ordonnée par le président du tribunal compétent, dans les trente (30) jours de sa saisine. »
Il faut donc noter que tout doit passer par un huissier de justice, qui doit faire un constat de la situation avant l’intervention du tribunal pour l’expulsion et la résiliation du contrat de bail.
Mais pour en arriver là, le bailleur doit obligatoirement mettre en demeure le locataire, c’est-à-dire qu’il doit lui écrire pour lui demander d’exécuter ses obligations avant de pouvoir passer à l’étape de la saisine du tribunal. Après avoir reçu cette mise en demeure, le locataire dispose d’un délai légal d’un (01) mois pour payer ce qui lui est réclamé.
Si après ce délai le locataire ne paie toujours pas, le bailleur peut donc saisir le tribunal compétent en référé, lequel dispose de trente (30) jours pour rendre sa décision.
La mise en œuvre de la clause résolutoire par le bailleur ne peut donc intervenir que dans les cas :
Du manquement du locataire à ses obligations financières se traduisant par le défaut de paiement du loyer ;
Du non-respect par le locataire de son obligation d’user paisiblement des locaux loués ;
Du paiement du loyer avec des retards systématiques non justifiés ;
De la transformation des locaux loués à usage d’habitation en locaux commerciaux.
Ici aussi comme pour le cas du locataire, le bailleur va délivrer l’assignation par un huissier au locataire.
Possibilités pour recourir à la justice au cas du non-respect des obligations contractuelles dans un contrat de bail à usage professionnel : (l’Acte Uniforme de l’Ohada portant sur le Droit Commercial Général régissant le régime juridique du bail à usage professionnel en République du Bénin)
Le cas du bailleur (propriétaire) qui manque à ses obligations
Le bailleur ou le propriétaire comme dans le bail à usage d’habitation, c’est la personne qui donne à bail le bien immeuble dont elle est propriétaire.
Quelles sont donc les obligations d’un bailleur (propriétaire) dans un contrat de bail à usage professionnel ?
Entre autres le bailleur doit délivrer les locaux en bon état ;
Il doit fait procéder à ses frais, dans les locaux donnés à bail toutes les grosses réparations devenues nécessaires et urgentes, (Les grosses réparations sont des interventions importantes portant notamment sur des murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de clôture, des fosses septiques, des puisards …) ;
Le bailleur ne peut, de son seul gré, ni apporter des changements à l’état des locaux donnés à bail, ni en restreindre l’usage, il a donc l’obligation d’en informer le preneur.
Pour ce premier point, le bailleur est présumé avoir rempli cette obligation : lorsque le bail est verbal ou lorsque le preneur a signé le bail sans formuler de réserve quant à l’état des locaux.
Pour le deuxième point qui est le point qui retient l’attention, lorsqu’un preneur dans un bail à usage professionnel constate, que les murs se fissurent ou le plafond coule, il a le droit d’alerter le propriétaire pour réparation.
Si les réparations urgentes sont de telle nature qu’elles rendent impossible la jouissance du bail, le peut en demander la suspension pendant la durée des travaux à la juridiction compétente statuant à bref délai. Il peut également en demander la résiliation judiciaire à la juridiction compétente.
Si votre bailleur (Propriétaire) refuse de procéder à ces grosses réparations qui lui incombent, vous locataire, la loi vous autorise à ce moment précis, à faire recours à la justice en vous faisant autoriser par le Président de la juridiction compétence (le Président du tribunal de la zone où se trouve l’immeuble), statuant à bref délai, à les exécuter conformément aux règles de l’art et pour le compte du bailleur (Propriétaire). Dans ce cas, le juge auquel vous avez fait recours va fixer le montant de ces réparations et les modalités de leur remboursement par le bailleur. (Article 105 à 108 de l’Acte uniforme Ohada portant sur le Droit Commercial Général).
Pour le troisième point, le preneur a également le droit de saisir le Président de la juridiction compétente statuant à bref délai, communément appelé le juge des référés, qui se chargera de l’affaire. Ceci doit être précédé d’un constat fait par un huissier de justice.
Qu’en est-il du cas des preneurs (Locataires) ?
Le cas où un preneur (Locataire) manque à ses obligations
Le locataire ou le preneur, comme dans un bail à usage d’habitation, c’est la personne qui reçoit la jouissance d’un immeuble en vertu d’un contrat de bail.
Quelles sont les obligations d’un preneur dans un contrat de bail à usage professionnel ?
Ici, le locataire a principalement pour obligation d’exploiter les locaux loués en bon père de famille, de payer régulièrement les loyers selon les termes convenus dans le contrat de bail et de faire des réparations d’entretien pour éviter de répondre des dégradations ou des pertes dues à un défaut d’entretien au cours du bail.
Dans un bail à usage professionnel, le preneur a l’obligation d’aviser de manière expresse le bailleur au cas où il voudra adjoindre à l’activité prévu au contrat de bail des activités connexes ou complémentaires relevant du même domaine que celui envisagé lors de la conclusion du contrat. En cas de changement de l’activité prévue au contrat, le preneur a également l’obligation d’obtenir l’accord préalable et exprès du bailleur qui peut s’y opposer pour des motifs sérieux. (Articles 112 et 113 de l’Acte uniforme Ohada portant sur le Droit Commercial Général).
Au cas où le bailleur va constater que son locataire exploite de façon irresponsable les locaux loués, qu’il a adjoint une autre activité ou changé d’activité sans son accord préalable, ou qu’il manque à l’ensemble de ses obligations, la loi l’autorise à faire recours à la justice pour exiger l’expulsion de ce locataire et la résiliation du contrat de bail.
Article 133 de l’Acte uniforme Ohada portant sur le Droit Commercial Général :
« Le preneur et le bailleur sont tenus chacun en ce qui le concerne au respect de chacune des clauses et conditions du bail sous peine de résiliation.
La demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être précédé d’une mise en demeure d’avoir à respecter la ou les clauses ou conditions violées. La mise en demeure est faite par acte d’huissier ou notifiée par tout moyen permettant d’établir sa réception effective par le destinataire.
A peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu’à défaut de s’exécuter, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d’expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef, en cas d’inexécution d’une clause ou d’une condition du bail après la mise en demeure.
La partie qui entend poursuivre la résiliation du bail doit notifier aux créanciers inscrits une copie de l’acte introductif d’instance. La décision prononçant ou constatant la résiliation du bail ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits. »
BON A SAVOIR :
Pour faire recours à un Président du tribunal statuant à bref délai (Juge des Référés) dans ces cas, il vous faudra d’abord fait faire les constats par un huissier de justice, puis rédiger une assignation qui est le moyen par lequel on peut saisir le juge dans ces situations. Après la rédaction de l’assignation, vous allez faire recours à un huissier de justice qui va formaliser l’assignation avant de la déposer au tribunal et à votre propriétaire pour qu’il se présente au tribunal pour assister au déroulement du procès. Tout ceci est précédé d’une mise en demeure d’une durée selon le cas.
L’assignation c’est un acte de procédure par lequel une personne invite par l’intermédiaire d’un huissier de justice, une autre personne à se présenter devant une juridiction.
En conclusion, que ce soit le bailleur ou le preneur dans un bail à usage d’habitation ou à usage professionnel, ils disposent tous de ce droit de faire recours à la justice au cas où l’autre n’aura pas à respecter ses obligations contractuelles conformément aux clauses du contrat de bail. La démarche en cette matière est particulière. Il faut l’intervention obligatoire d’un huissier de justice pour les éventuels constats dans tous les cas, mettre en demeure, avant de passer à la saisine du Président du tribunal compétent.
NB: Il est important de rappeler que, si les deux parties, de commun accord, incluent dans la clause de résolution qu’ils privilégieront le règlement à l’amiable et qu’ils n’iront pas devant le tribunal en cas de non-respect par une partie de ses obligations, alors c’est ce qui se fera car en droit, les lois spéciales dérogent aux lois générales et selon les dispositions de l’article 1134 du Code Civil, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Pour cela, il faut exiger que les clauses d’un contrat de bail soient conformes aux dispositions de la loi n°2018-12 du 02 Juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique en République du Bénin et l’Acte Uniforme de l’Ohada portant sur le Droit Commercial Général régissant le régime juridique du bail à usage professionnel en République du Bénin.
Hilaire AGBOHOUNGBO
Juriste de Droit Privé
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