
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Bénin a expérimenté plusieurs systèmes de gouvernance foncière qui se sont révélés inefficaces. En effet, l’insécurité foncière n’a fait que grandir avec pour conséquences des violences injustifiées et des meurtres.
Face à cette situation, les derniers gouvernements qui se sont succédé ont initié de nombreuses réformes foncières courageuses. Il s’agit par exemple de la réforme législative ayant abouti à l’adoption de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin. Elle fut modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017.
Il y a eu également des réformes institutionnelles prévues dans le code foncier et domanial sus-citées. C'est ainsi que l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF) a été créée. C’est l’organe par excellence de gestion du foncier au Bénin.
La loi n°2017-15 du 10 août 2017 qui est aujourd’hui celle qui organise le fonctionnement du régime foncier et domanial en République du Bénin dispose en son article 145 que :
« Le Titre foncier délivré au terme de la procédure de confirmation des droits fonciers confère à son titulaire, la pleine propriété de l’immeuble. »
Au regard de cette disposition, le titre Foncier est le seul titre de propriété foncière reconnu au Bénin. Les autres actes de propriété foncière sont considérés comme des actes présomptifs de droit de propriété foncière.
Mais malheureusement, la majorité des terres n’a pas encore fait l’objet de procédure de confirmation de droit foncier. C’est cette procédure qui conduit à la délivrance de Titre Foncier au profit du titulaire du droit de propriété sur l’immeuble.
Ainsi, pour en finir avec l’insécurité foncière au Bénin, le législateur béninois a introduit dans le Code foncier et domanial, des réformes majeures qui sont applicables depuis le 14 août 2023.
Prévue initialement pour être appliqués le 14 août 2018, la date d’entrée en application de ces réformes avait été repoussée au 14 août 2023 par le législateur béninois.
Quels sont les grands changements qui sont intervenus en matière de formalisation des transactions foncières au Bénin depuis le 14 août 2023 ?
Depuis le 14 août 2023, deux (02) réformes majeures sont intervenues au Bénin en matière de formalisation des transactions foncières :
1. L’obligation pour tout vendeur d’obtenir un titre foncier sur son bien préalablement à toute vente d’immeuble ;
2. L’obligation de faire constater toute transaction foncière devant un notaire.
Les bases légales de ces réformes sont les dispositions des articles 516, 17 et 18 du code foncier et domanial en vigueur au Bénin.
En effet, l’article 516 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 dispose que :
« Dans un délai de dix (10) ans à compter de la promulgation du présent code, tous faits ou toutes conventions portant sur un immeuble dont les droits n'ont pas été confirmés, ayant pour effet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, pourront être constatés par acte notarié ou par acte sous seing privé déposé au rang des minutes d'un notaire ou par acte affirmé par l'autorité administrative du lieu de situation de l'immeuble. Passé ce délai, les dispositions de l'article 17 du présent code sont applicables. »
L’article 17 de cette même loi dispose que :
« Toute vente d’un fonds ou d’un immeuble doit être précédée de la confirmation de droits fonciers détenus sur ledit immeuble.
À défaut de la confirmation des droits, le vendeur devra, préalablement à la transaction, obtenir auprès de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier un Certificat d’appartenance dont le délai de validité mentionné au bas dudit document est d’un (01) an non renouvelable. »
Et enfin, l’article 18 du Code Foncier et Domanial dispose que :
« Tous faits ou toutes conventions portant sur un immeuble dont les droits ont été confirmés. Ayant pour effet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, doivent être constatés par acte notarié ou par acte sous seing privé déposé au rang des minutes d'un notaire, quel que soit le lieu de situation de l'immeuble, sous réserve des dispositions prévues à l'article 158 du présent code. »
À la lecture des articles précédents, il ressort qu’en principe, aucune vente immobilière ne peut être faite sans titre foncier préalable. Autrement dit, tout vendeur d’un fond de terre bâti ou non doit avoir un titre foncier.
À défaut, le vendeur peut, préalablement à la vente, se faire délivrer un certificat d’appartenance par l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier. (Article 17 du Code Foncier et Domanial).
Il est fait obligation de faire constater la vente ou la transmission ou modification de tout droit réel immobilier par un notaire. (Article 18 du Code Foncier et Domanial)
Conscient que la majorité des terres ne sont pas encore couvertes par des titres fonciers, le législateur béninois à instituer une période transitoire au cours de laquelle les formalités d’achat et vente d’immeubles pouvaient continuer par se faire sans obtention préalable de titre foncier ou de certificat d’appartenance. (Article 516 du Code Foncier et Domanial)
Cette période transitoire instaurée par l’autorité compétente a pris fin à la date du 14 août 2023. Depuis la précédente date, toute vente de terrain doit se conformer aux dispositions des articles 17 et 18 du code foncier et domanial. Il est également exigé que désormais, toute vente immobilière doit être constatée par acte notarié.
Qu’adviendra-t-il des immeubles bâtis ou non qui ne seront pas couverts par un titre foncier après le 14 août 2023 ?
Aucun fond de terre non couvert par un titre foncier avant ou après le 14 août 2023 ne sera arraché à son présumé propriétaire par l’État. Cela est confirmé par le directeur général de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF) lors de sa conférence de presse du 14 juillet 2023. Cet évènement portait sur le sujet de l’expiration de la période transitoire prévue par le Code foncier et domanial.
La seule procédure prévue par les lois au Bénin pour arracher un immeuble à un particulier est la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. En effet, le code foncier et domanial en vigueur au Bénin, dispose en son article 210 que :
« L’atteinte au droit de propriété peut consister en une expropriation pour cause d’utilité publique, une limitation du droit de propriété dans un but d’aménagement urbain ou rural et en l’édition de servitudes d’utilité publique. S’il échet, l’État, les communes ou collectivités territoriales disposent du droit d’exercer les atteintes à tout droit de propriété à charge de se conformer aux dispositions ci-dessous. »
L’État et les collectivités territoriales ne peuvent recourir à une procédure d’expropriation que dans des cas précis et énumérés par le code foncier et domanial. L’article 215 du code sus-cité nous apporte plus de précision sur les causes de l'expropriation. Ce dernier stipule que :
« L’expropriation d’immeuble, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers pour cause d’utilité publique est prononcée dans les cas suivants : construction de routes, chemins de fer, ports, aéroports, écoles et universités, travaux militaires, travaux d’urbanisme, aménagement urbain, aménagement rural, travaux de recherche ou d’exploitation minière, de sauvegarde de l’environnement, d’hygiène et de salubrité publique, aménagement et distribution de l’eau, de l’énergie, installation de services publics, création ou entretien du domaine public et tous autres travaux ou investissements d’intérêt général, régional, national ou local. »
Les raisons qui peuvent justifier le recours à une expropriation d’immeuble sont essentiellement liées à la réalisation des travaux ou investissements d’intérêt général.
Qu’en sera-t-il des formalités foncières de vente immobilière entamées avant le 14 août 2023 ?
Le directeur général de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF) a porté à l’attention de l’ensemble des acteurs intervenant dans la chaîne de la formalisation des transactions foncières que :
1. Conformément aux articles 516 et 17 du code foncier et domanial, à compter du 14 août 2023, toute vente d’immeuble doit être précédée de l’obtention, par le vendeur, d’un titre foncier. À défaut, il doit justifier d’un certificat d’appartenance délivré par l’ANDF ;
2. Les demandes d’affirmation de convention de vente d’immeuble régulièrement enrôlées par les Mairies avant le 14 août 2023 doivent être bouclées sans exigence préalable de titre foncier ou de certificat d’appartenance pour le vendeur ;
3. Les conventions de vente d’immeuble présentées à l’affirmation après le 14 août 2023 peuvent être affirmées si la date d’enregistrement ou d’enrôlement à l’enregistrement, précisée par l’administration fiscale est antérieure au 14 août 2023 ou si le requérant justifie d’un certificat d’appartenance délivré à son vendeur avant la cession.
Il convient de mentionner que ces réformes foncières sont à saluer, car elles visent à réduire substantiellement les litiges fonciers. En présence d’un titre foncier, il n’est pas possible de vendre le même bien à plusieurs personnes. Ainsi, la vente d'un bien appartenant à autrui est impossible.
Rédigé par Frédy Godmi SOVI
Juriste et conseiller en immobilier
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